Type d'actualité et date de publicationJournée(s) d'étude

Séminaire "Actualités de la recherche sur l'Asie du Sud et l'Himalaya"

Mardi 13 février - 14h-16h - Salle 202 (Ehess/Campus Condorcet)

Actualités de la recherche

Joëlle Smadja (CESAH, CNRS)

Préserver la « pureté de la nature » : des enjeux ambigus autour de parcs nationaux au Népal et en Inde

 Depuis les années 1970, des dizaines de parcs nationaux ont été mis en place dans la chaîne himalayenne, reconfigurant l’organisation de l’espace. Ces territoires, souvent créés pour protéger la « pureté de la nature », sont des lieux de pouvoir qui supplantent les organisations étatiques dans les périmètres qu’ils couvrent : une grande partie de la gestion des ressources, de l’organisation sociale, du développement, de la gouvernance, leur revient. Des conflits voient s’y opposer les droits des animaux sauvages, des agriculteurs et éleveurs, des touristes, des forestiers, etc. Ils sont la plupart du temps contrôlés par l’armée à leur frontière comme dans leur enceinte. Le pouvoir de ces parcs nationaux, qui est légitimé par la nécessité de protéger des espèces en danger, peut être renforcé et instrumentalisé par des acteurs qui associent la pureté de la nature à celle d’espace sacré et identitaire (comme le beyul), ou de nation (dans le cas des ultra nationalistes hindous) et qui visent, dans tous les cas, à l’expulsion de certaines catégories de population de ces territoires consacrés à une « nature vierge ». Des exemples de parcs nationaux au Népal et en Inde illustreront ces propos. 

  

Nolwen Vouiller (Université de Liège)

« Quand il a fallu choisir entre humains et animaux : une histoire lacunaire des paradoxes du Parc de Bardiya (sud-ouest du Népal) » 

 L’histoire du Parc national de Bardiya (BNP) n’est pas aussi bien documentée que celle du Parc de Chitwan, son homologue plus accessible et touristique. Alors que dans le cas de ce second il est question de violences faites sur les populations et d’une certaine précision des dates, je n’ai trouvé au départ à Bardiya, ni l’une ni l’autre. Uniquement un discours assez flou, disant que les habitants avaient été ravis qu’on leur donne des terres plus sécures.  

 Etudiant les rencontres entre humains et animaux dans et autour du BNP dans le cadre de mon doctorat en anthropologie (EHESS/ULiège), j’ai vite eu besoin de cette histoire manquante et ai donc décidé, lors de mon troisième terrain (décembre 2022-juin 2023), d’aller à la rencontre de personnes ayant vécu à l’intérieur de la forêt en plusieurs endroits avant qu’elle ne devienne le Parc et de quelques travailleurs qui ont expulsé ces gens. J’ai découvert une complexité que je n’attendais pas et certains dires qui avaient été passés sous silence. J’ai aussi rendu visite à des journalistes de Guleriya (head-office du district de Bardiya), afin d’accéder à certaines archives.  

 Dans le cadre de cette conférence, j’aimerais à la fois dresser cette histoire lacunaire et aborder certaines actions paradoxales du gouvernement. En effet, le discours de protection des humains et d’abattage des animaux s’est substitué à celui de protection des animaux, au point d’interdire aujourd’hui tacitement l’auto-défense, de tirer dans une manifestation contre les attaques d’animaux en pleine rue et d’abattre une jeune fille, de modifier l’environnement pour que les animaux du Parc se multiplient, de les sauver s’ils sont blessés, etc. En bref, je cherche à montrer sur quoi s’est construite la situation actuelle que j’étudie et espère contribuer dans le même mouvement à conserver une mémoire de ces évènements, à la fois pour les locaux et pour les chercheurs. 

 

 

 

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